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Vendre une bête pour acheter du riz importé

dimanche 22 juin 2008

Cet article est tiré du journal belge « L’Echo » du 9 juin 2008

Les agriculteurs sénégalais vendent leurs bêtes pour acheter du riz importé.

Jean-Marie, directeur d’école dans un petit village sénégalais de la région du Sine Saloum, passe, comme tous les villageois, trois mois au champ, de juillet à octobre, pour assurer la subsistance de sa famille. Et s’inquiète comme eux de la situation actuelle : « Il ne se passe plus une semaine sans manifestations contre la crise alimentaire dans les grandes villes du pays, lance-t-il. La situation est devenue très difficile. Actuellement, de nombreuses personnes connaissent vraiment des problèmes pour pouvoir se nourrir. »

Les difficultés se cumulent. Au prix des denrées importées qui ont très fort augmenté, s’ajoute une mauvaise récolte du mil, l’aliment de base des populations locales, à l’automne dernier. « Certaines familles ont déjà épuisé leurs réserves, elles vont devoir commencer à acheter de la nourriture. »

Or, ici aussi, les prix ont flambé. Au cours des derniers mois, le riz, importé d’Asie a augmenté de 50 %.
« En décembre on pouvait encore acheter un sac de 50 kilos pour 10.000 francs CFA, aujourd’hui il en faut 15.000 (23 euros) », explique Jean-Marie. Et la situation n’est pas meilleure au niveau du mil. l’aliment national est passé de 115 à 300 francs CFA en quelques mois.

« Certains agriculteurs commencent à vendre leurs bêtes pour pouvoir en acheter, et ça va durer ainsi jusqu’à la prochaine récolte », explique l’enseignant.

Dans les médias, les Sénégalais entendent parler d’espoir pour les agriculteurs du sud grâce à la hausse mondiale des cours.

« Mais on ne voit absolument pas la différence, regrette Jean-Marie. Nous sommes concentrés sur des cultures locales. Le pire c’est que certains ont vendu leur récolte de mil bon marché en novembre pour pouvoir acheter des biens de consommation courante et qu’ils doivent à présent racheter ce même mil beaucoup plus cher à ces marchands qui, eux, l’ont stocké en attendant la hausse des prix. »

Face à une crise d’une ampleur sans précédent, le président Wade a voulu rassurer la population en lançant le projet Goana pour « Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance ». Mais visiblement, les actions, sur lesquelles les petits paysans plaçaient certains espoirs, tardent à venir. « On nous a promis des semences et des engrais, note encore le Sénégalais. Mais jusqu’à présent, on n’a encore rien vu venir. » Or la période d’ensemencement ne va plus tarder.

Jean-Michel Lalieu